
Revue sur l’ACT et la clairance parasitaire
Le résumé détaillé de toutes les études publiées qui utilisent un régime d'artémisinine pour lutter contre le paludisme non compliqué à Plasmodium falciparum.
Contexte
Le rôle majeur joué par le déploiement à grande échelle des combinaisons thérapeutiques à base de dérivés d’artémisinine (ACT) sur les acquis importants réalisés par les programmes de contrôle du paludisme dans de nombreux pays endémiques fait l’objet d’un large consensus. Cependant, le succès continu de ces programmes de contrôle du paludisme est sérieusement menacé par l’émergence de souches de P. falciparum résistantes à l’artémisinine. Ces dernières ont été signalées à la frontière entre la Thaïlande et le Cambodge et plus récemment dans les zones frontalières de la Thaïlande, de la Birmanie et du Viêt-Nam1, 2, 3, 4.
Comme préconisé par l’OMS, la surveillance épidémiologique de la résistance à l’artémisinine et la délimitation des zones de propagation sont essentielles si l’on veut prendre des mesures de santé publique adaptées, permettant de retarder la progression de la résistance et d’éliminer les poches de parasites résistants dès qu’elles sont identifiées.
La définition actuelle de la résistance à l’artémisinine repose sur la mesure microscopique quantitative de la clairance parasitaire retardée au cours des premiers jours suivant le traitement par ACT ou la monothérapie à base d’artémisinine.
De nombreux paramètres de surveillance ont été développés. Ils varient en complexité et en sensibilité. Une stratégie consiste à mesurer la proportion de patients affichant une parasitémie détectée sur un frottis sanguin, effectué au jour 3 après le traitement antipaludéen initial. Cette approche (PCE) simple peut s’avérer utile dans la mesure où le prélèvement de ce paramètre s’effectue dans le cadre des directives de l’OMS pour l’efficacité du traitement. Cependant, de nombreux facteurs importants peuvent rendre son interprétation confuse ce qui pousse à l’exploration d’autres solutions.
Cette première revue de la littérature examine l’utilité d’appliquer un marqueur de la résistance à l’artémisinine différent : un seuil de 10 % de patients demeurant parasitémiques au jour 3 après le traitement5. L’analyse inclut toutes les données disponibles sur le traitement par ACT, publiées entre 2000 et 2011.
Méthodologie
L’équipe WWARN a mené une analyse systématique de la littérature à la recherche de toutes les études, publiées entre janvier 2000 et décembre 2011, qui ont utilisées un schéma posologique à base d’artémisinine pour traiter le paludisme P. falciparum non compliqué. Les données issues de ces études ont été extraites puis analysées à l’aide d’un questionnaire standardisé. Vous pouvez télécharger la base complète de données de référence et extraites, ainsi que d’autres fichiers complémentaires (voir la rubrique Documents annexes). Pour finir, le groupe a examiné la méthodologie de l’essai et la réponse parasitologique précoce qui a suivi le traitement.
Les cartes de l’essai clinique présentent les lieux où les essais publiés ont été conduits. Chaque punaise représente un site unique de recrutement de patients dans le cadre d’un essai clinique antipaludique.
Résultats
Conception de l’étude
Au total 65 078 patients ont été inscrits à 213 essais cliniques et répartis dans 413 bras de traitement qui ont reçu un dérivé d’artémisinine seul (n=26) ou en association avec un autre médicament (n=387).
La taille d’échantillon médiane par bras de traitement était de 110 (plage 10 - 1 475), la plupart des données provenant d’essais comparatifs de médicaments (189, 89 %) parmi lesquels 177 (83 %) étaient des essais randomisés. Les 24 études restantes (11%) ne contenaient qu’un seul bras.
- Les schémas posologiques les plus fréquemment rapportés sont les suivants : artemether-luméfantrine (AL, dans 96 bras de traitement), artésunate-méfloquine (AS+MQ, N=75), artésunate-amodiaquine (AS+AQ, N=74), artésunate-sulphadoxine-pyriméthamine (AS+SP, N=43), et dihydroartémisinine-pipéraquine (DHA+PIP, N=40). Dans 26 bras de traitement, les patients n’ont reçu que la monothérapie : soit artésunate (N=17), dihydroartémisinine (N=1), artémisinine (N=3), beta-artemether (N=2) ou artérolane (N=3) (comme illustré dans le graphique circulaire).
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Sur les 402 études décrites, le traitement a été entièrement ou partiellement supervisé dans 362 (90 %) et 30 (7,5 %) d’entre elles respectivement.
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Clairance parasitaire
Les pourcentages de patients restant parasitémiques aux jours 1, 2 et 3 du traitement ont été calculés à partir d’observations faites respectivement dans 115 (28 %), 167 (40 %) et 153 (37 %) bras de traitement.
- À l’exclusion des études de résistance menées au Cambodge, le pourcentage médian de patients restant parasitémiques au jour 1 était de 53,8 % [plage 3 – 95 ; EIQ=30,5 - 69,2], au jour 2 de 6 % [plage 0 – 65,9 ; EIQ=2 – 11,5] et au jour 3 de 0 % [plage 0 – 12,6 ; EIQ=0 - 2].
- Si l’on compare les études de 2000 à 2005 avec celles de 2006 à 2011, le pourcentage médian de patients demeurant parasitémiques au jour 3 a diminué en Afrique (1,2 % contre 0 %, p=0,007), mais a augmenté en Asie (0,4 % contre 3,9 %, p=0,076)
- Dans 95 % des études, moins de 6 % des patients présentaient une parasitémie périphérique au jour 3
Conclusions
Ces résultats mettent en évidence la distribution normale des réponses parasitologiques précoces et soulignent l’influence de l’hétérogénéité de facteurs tels que la conception de l’étude, l'hôte et le parasite qui nuisent au système de surveillance basé sur la positivité du parasite au jour 3. L’approfondissement de nos connaissances sur les facteurs qui influencent la clairance parasitaire est crucial et nécessite l’analyse de dossiers médicaux individuels regroupés.
Voir le résumé : Das D, Price R, Bethell D et al. Early parasitological response following artemisinin-containing regimens: a critical review of the literature. Malaria Journal 2013; 12:125 doi:10.1186/1475-2875-12-125.