
Deux traitements antipaludiques exercent des pressions de sélection opposées sur le parasite du paludisme
Une étude suggère que le déploiement ou la rotation de plusieurs médicaments antipaludiques de première ligne pourraient efficacement traiter le paludisme et maintenir l'efficacité des médicaments.
La charge de la maladie en Ouganda est l'une des plus élevées au monde. Les thérapies combinées à base d'artémisinine (ACT), les traitements recommandés actuellement, sont encore très efficaces pour traiter les patients atteints de paludisme dans la région. Cependant, l'émergence d’une résistance à l'artémisinine et à ses médicaments associés dans la région du Mékong, en Asie du Sud-Est, est une grande source d’inquiétudes pour les pays comme l'Ouganda, où la charge du paludisme est élevée. Si l'efficacité des ACT diminue en raison de la résistance aux médicaments, la vie de millions de personnes est menacée.
La dernière étude publiée avec le soutien de WWARN dans Open Forum of Infectious Diseases suggère que la rotation de schémas posologiques à base d’ACT pourrait être la meilleure façon de réduire le risque d'émergence de la résistance aux médicaments antipaludiques en Afrique.
« Cette étude fournit de nouvelles preuves que des médicaments différents peuvent sélectionner, dans des directions opposées, des changements du parasite qui ont une incidence sur la résistance aux médicaments », explique le professeur Philip Rosenthal, auteur principal de l'étude de l'Université de Californie, San Francisco, et membre du Conseil de WWARN. « Alors qu'une ACT peut sélectionner la résistance à cette thérapie, elle peut aussi sélectionner une résistance moindre à d'autres ACT. Ainsi, le déploiement de plusieurs thérapies antipaludiques de première intention, ou la rotation des schémas thérapeutiques, entravera probablement le développement d’une résistance cliniquement pertinente aux ACT disponibles en Afrique. »
Le contrôle de la présence de marqueurs génétiques caractérisant une sensibilité réduite aux médicaments constitue désormais une partie essentielle de la surveillance du paludisme. Bien que des études antérieures aient examiné l’évolution de marqueurs moléculaires individuels et leur association à une efficacité antipaludique réduite, il y a eu peu de recherche sur les interactions entre plusieurs marqueurs moléculaires. L'équipe a utilisé un modèle statistique pour évaluer l’évolution de la fréquence de marqueurs moléculaires interagissant entre eux, ou haplotypes, qui sont liés à la sensibilité aux médicaments sur le gène pfmdr1. En effet, la sélection opérée par un médicament peut agir sur un haplotype plutôt que sur une mutation seule.
Les découvertes de l'équipe confortent les résultats de travaux antérieurs qui proposaient que la sélection génétique en Ouganda était dominée par la pression sélective de la luméfantrine ; ce qui en accord avec l'utilisation croissante de l’ACT artéméther-luméfantrine (AL) comme traitement de première ligne en Ouganda au cours des 10 dernières années. L'équipe a également constaté que l’AL et une autre ACT, la dihydroartémisinine pipéraquine (DP), exercent une pression de sélection opposée.
« Le déséquilibre entre les pressions sélectives exercées par l’AL et la DP démontre l’intérêt de prendre en compte les haplotypes dans les futures analyses de tendances », ajoute le Dr Aimee Taylor, premier auteur de la Harvard School of Public Health et Broad Institute, qui a développé le premier ce modèle dans le cadre de ses études de doctorat avec WWARN.
Le modèle a été ajusté aux données issues d'un essai conduit à Tororo (Ouganda). Cette étude contenait des données sur 312 enfants, dont l’âge variait de 6 semaines à 12 mois à l'inclusion, qui ont été randomisés pour recevoir soit de l'AL, soit de la DP, à chaque épisode de paludisme non compliqué, de 2007 à 2012.
Des recherches antérieures menées par le groupe d’étude Marqueurs moléculaires et AS-AQ/AL de WWARN a montré que les patients infectés par des parasites porteurs de mutations particulières situées sur les gènes pfcrt and pfmdr1 présentent un risque plus élevé d'échec du traitement à base d’artéméther-luméfantrine. Cette étude suggère également la possibilité d’utiliser simultanément plusieurs ACT pour minimiser le risque de résistance, car ces ACT sélectionnent des séquences parasitaires dont les effets sur la sensibilité au médicament sont opposés.
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Détails de la publication :
Aimee R. Taylor, et al. ‘Artemether-lumefantrine and dihydroartemisinin-piperaquine exert inverse selective pressure on Plasmodium falciparum drug sensitivity associated haplotypes in Uganda’ Open Forum of Infectious Diseases. Publié en ligne le 25 octobre 2016 DOI : 10.1093/ofid/ofw229